Comme tous les parisiens qui se respectent (c'est de l'humour), j'ai réussi à trouver une place (le 27 janvier 2013) pour la fameuse exposition Edward Hopper que tout le monde s'arrache... A tel point qu'en ce moment même, le Grand Palais ouvre ses portes pendant presque 3 jours sans la moindre interruption... Jour et nuit... Mon problème est que je me demande bien pourquoi... J'ai vénéré Hopper pendant des décennies... J'ai même quelque part une photo où je pose devant "Nighthawks" à Chicago en 1987... Emu de me trouver devant une des icônes du 20ème siècle... Depuis, j'ai grandi... J'ai pris des cours d'histoire de l'art qui a fait grandir mon regard... Tant et si bien qu'en 2013, ces quelques toiles exposées dans cette belle rétrospective ne m'ont au mieux inspiré qu'une cruelle déception... au pire, une totale indifférence... Je n'y ai trouvé aucune matière, aucune générosité... Tous ces aplats ont brisé quelque chose en moi... Ces images que je vénérais depuis toujours n'étaient donc rien que ça ? Du coup, c'est une phrase de "Au fil du temps" de Wim Wenders qui m'est revenu en mémoire... "L'Amérique a colonisé notre insconcient". C'est tout à fait ça... Hopper a supplanté une iconographie idéale, réproductible à l'infini, à celle (sans doute trop vulgaire) du cinéma... Grossière erreur... Le cinéma contemporain de Hopper a produit certaines des plus belles images de l'histoire du siècle... avec du grain, de la matière... Evidemment "Nighthawks" produit encore et toujours la même sensation... mais elle est comme figée... comme le résidu d'une campagne publicitaire... Cette "image" a tellement été utilisée, usée, abusée qu'elle en est réduite qu'à être ça : une couverture de livre de poche, un cliché parmi tant d'autres... Pendant ce temps, nous avons vieilli et notre regard a mûri... Nous ne pouvons plus nous confronter à Raphael, Picasso, Cézanne comme à Hopper... D'un côté, il y a une vision, un regard. De l'autre, un simple savoir faire... Pas étonnant que la toute dernière image de l'expo soit celle d'une pièce totalement vide... Elle résume à elle seule toute la carrière du bonhomme...
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