Rien de plus symptomatique de notre époque que d'apprendre définitivement le nom d'un artiste dont les oeuvres vous ont marqué depuis des années le jour où l'on vous annonce sa disparition. Edouard Levé avait 42 ans quand il s'est donné la mort lundi dernier. Grand inconnu du grand public, il n'empêche que tout un chacun est forcément tombé à un moment ou à un autre devant une de ses oeuvres et l'a nécessairement gravé dans sa mémoire. Levé travaillait sur une sorte de définition de mémoire collective en en interrogeant les codes et en les détournant. Je m'avance peut être un peu en voyant en lui un élève de Duane Michals mais leur parentèle me semble évidente dans cette mise en scène académique (dans le bon sens du terme) de situation banales afin d'en extraire la dimension dramatique voire tragique. Ses séries "pornographie" et "rugby" sont emblématiques en ce sens mais l'ensemble de son oeuvre est un interrogation permanente du rôle de l'image dans la société contemporaine. Ne serait-on pas de véritablement juger obscènes ses clichés "pornographiques" alors que tous ses modèles sont totalement habillés ? Ne voit-on pas dans ses "rugbymen" des héros dignes de la Grèce Antique ? Passionné de Pérec, comment fallait-il interpréter sa "tentative d'épuisement" de la série "angoisse" ? sa formidablement poétique "fleur d'angoisse" pouvait-elle laisser un doute sur le désespoir de son auteur ? Levé était également écrivain. Je vais sans doute m'intéresser à son "Autoportrait" ou à ses "Oeuvres" publiées chez P.O.L. Quelle tragédie tout de même que de voir une oeuvre aussi forte et originale s'arrêter de la sorte...
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