dimanche 17 février 2008

saturday night at sadler's wells...

j'en rêvais depuis des décennies... "Cafe Müller" et "Frühlingsopfer" de Pina Bausch... ce fut d'ailleurs la seule véritable raison de mon périple londonien... en dépit de mes divers problèmes de santé actuels, je suis arrivé tant bien que mal au Saddler's Wells... première grande salle britannique que j'ai eu l'occasion de visiter... une sorte de mélange assez froid de la MC93 et du Théâtre de la Ville... public nombreux et cosmopolite... certains blasés se disent "pinaholics"... d'autres, fiévreux, attendent... inutile de dire que les vertiges qui m'importunent depuis quelques jours n'étaient rien à côté de celui auquel j'allais assister...
"Cafe Müller"... un lieu, des silhouettes aveugles, les yeux clos, y évoluent avec fragilité heurtant ici et là les murs, quelques tables et chaises... dans ce rêve sec et tragique, des corps tentent de se rencontrer sans jamais vraiment y parvenir sans se faire de mal... d'autres personnages interviennent pour protéger et aider ces âmes en perdition... l'un d'entre eux arrache les tables et les chaises du chemin (une chaise finissant dans le public), l'autre tente d'unir le couple incapable de s'unir... une autre encore semble éclairer l'ensemble de sa légèreté... on pourrait parler des heures sur ces courtes 45 minutes étouffantes... en tout cas, le ton est donné... on n'est vraiment pas là pour le plaisir... on est là pour assister à une vision cauchemardesques de nos pires fantômes... des fantômes évoluant sur du Purcell... l'éternelle et inimitable présence de Dominique Mercy donne à cette pièce son aspect irréel et hors du temps... (seul regret, Pina Bausch indisposée n'a pu assurer son rôle et a été remplacée par son assistante...)
[si ça peut vous aider, "Cafe Müller" est ce qui sert d'ouverture au film d'Almodovar, "Hable con ella"...]
entracte...
"Frühlingsopfer", le célébrissime sacre du printemps... ça y est... nous y sommes... la barbarie peut commencer... la trentaine de danseurs s'anime, s'affronte... la cérémonie sacrificielle se met en place... la terre est fraîche et embaume... les corps jubilent... tout ça est cruellement sexuel... la musique de Stravinsky retrouve toute sa jeunesse... il n'y a plus qu'à désigner la vierge que l'on va sacrifier à la terre matricielle... les affrontements sont de plus en plus durs et physiques... les danseurs halètent... ils sont à bout... les robes et les corps sont maculés de terre et de sueur... on atteint peu à peu le stade ultime de la bestialité... la vierge dans sa robe rouge peut enfin se donner la mort... rien que de la musique, des lumières et des corps...
soirée bouleversante... j'avais beau avoir vu des extraits de ces deux extraordinaires ballets, je ne m'attendais pas à ce niveau d'intensité...
je n'ai évidemment pas oublié la formule de Raimund Hoghe qui parle de mettre son corps dans la bataille... nous y étions en plein... se mettre à ce point en danger et par là même menacer le public, c'est peut être ça l'art...
Pina Bausch est tout de même venue saluer... Elle était la seule sur scène à esquisser un sourire...


l'affiche




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