lundi 29 mars 2010

Une éducation (Lone Scherfig/Patrick Modiano)



Dans la banlieue de Londres, une fille de 16 ans de famille modeste poursuit de bonnes études et espère réussir un concours pour entrer à Oxford. Un jour, elle attend un bus, sous la pluie, et un homme qui passait en voiture lui propose de monter. Il est plus âgé qu’elle, et l’on s’apercevra très vite que c’est un «type louche», selon l’expression courante. Ils se reverront, et elle fera avec lui son éducation sentimentale. Le film est signé d’une Danoise, Lone Scherfig. La fille est interprétée par une actrice de 25 ans, Carey Mulligan, dont on peut dire dès à présent qu’elle ira loin.

Pourquoi ce film m’a-t-il fait une impression si forte ? Pourquoi, à la sortie du cinéma, étais-je si absorbé, au point de manquer me faire écraser en traversant la rue de Rennes par une voiture qui me semblait être la Bristol couleur bordeaux que conduisait David, ce type louche avec qui l’héroïne connaît sa première histoire d’amour ?

Le scénario avait été écrit par le romancier Nick Hornby, d’après le récit autobiographique de la journaliste Lynn Barber. Voilà qui expliquait la justesse et la subtilité du film. Mais de manière plus intime, Une éducation me reliait par un cordon Bickford à ma propre adolescence. La fille avait exactement mon âge. J’avais vécu des situations semblables à celles que cette Jenny traverse, j’étais monté au même âge qu’elle, en aussi étrange compagnie, dans des voitures qui portaient sur leur vitre une vignette où il était écrit : «Mars 1962».

Une éducation sentimentale de l’hiver 1962 ne différait pas tellement de celles décrites deux siècles ou quarante ans plus tôt dans Manon Lescaut ou le Diable au corps. C’était la même sensation de braver des interdits et des tabous, et de ne pas tenir compte de tout ce qui était «illégal» jusqu’à l’âge de 21 ans, l’âge de la majorité. Marthe, l’héroïne du Diable au corps, aurait pu être condamnée pour «détournement de mineur». De même pour le David du film, ce mauvais garçon sentimental que Jenny accompagne dans des boîtes de nuit et des hôtels, interdits aux moins de 21 ans - et qui l’emmène pour quelques jours à Paris, alors qu’il fallait, à cette époque, une autorisation de ses parents pour franchir les frontières.

Ce film me touchait parce que je m’étais promené seul la nuit dans le Londres d’août 1960 qui me fascinait et me faisait peur - un Londres qui n’avait pas encore les couleurs vives du «Swinging London» -, le Londres en noir et blanc de Christine Keeler - une autre fille de mon âge - qui venait de débarquer en banlieue et avait trouvé une place de serveuse dans un petit restaurant grec de Baker Street.

A Paris aussi, l’hiver 1962, c’était pour des adolescents comme dans la ville trouble et nocturne de Manon Lescaut. Des gens un peu plus âgés que vous pouvaient vous servir d’intercesseurs, vous prendre sous leur protection et vous entraîner dans des endroits et des situations qui vous étaient interdits à cause de votre âge. Bien sûr, il arrivait que ces complices - comme le David du film - n’aient pas beaucoup de sens moral, mais ils vous procuraient un sentiment de liberté en vous sortant pour quelque temps de la prison qu’était, à cette époque-là, toute adolescence.

A la fin du film, on suppose que l’héroïne conservera plus tard, de son premier amour, le souvenir d’une erreur de jeunesse. David n’était pas un homme très recommandable. Il est vrai qu’une adolescente ou un adolescent aventureux et imaginatif de l’hiver 1962 ne pouvait pas se contenter de gentilles et bourgeoises surprise-parties. Les femmes et les hommes un peu plus âgés étaient nimbés de mystère - ou plutôt de celui que vous leur prêtiez -, et ils vous faisaient pénétrer en fraude dans un monde qui vous paraissait mystérieux, et même dangereux.

Aussi louches, aussi troubles, aussi insignifiants qu’ils étaient souvent en réalité, il faut garder un peu de tendresse pour celles et ceux dont vous vous demandez ce qu’ils ont bien pu devenir et qui ont participé à votre «éducation» et à vos débuts parfois incertains dans la vie.

Patrick Modiano

(c) Libération

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dimanche 28 mars 2010

Robert Desnos et la place de l'étoile (Pierre Philippe)

"Ca faisait un bout de temps qu'on ne vous voyait plus, monsieur Desnos, s'exclama le barman, qu'est-ce qu'on vous sert?" Mais Robert Desnos n'avait pas soif. Il demanda, d'une voix presque inaudible, où il pouvait mettre la main sur monsieur Steph. Ce nom avait suffi au barman. Le jeu de piste commençait pour le poète. Il alla de zinc en chambre d'hôtel borgne, de coin de rue en atelier de photographe pour clichés spéciaux et finit par enfouir un sachet hors de prix au fond de sa poche, le joignant au pneumatique que sa main avait, depuis une heure, fébrilement froissé. Le pneumatique d'Yvonne, envoyé au journal. Et ce bout de papier où elle avait tracé 2 trois lignes louvoyantes avait suffi à l'arracher à la salle de rédaction du Merle et à le précipiter vers Pigalle.

Il héla un taxi sur la place, lui demanda de foncer vers Neuilly mais, à la porte de Champerret, le fit stopper devant un fleuriste. Il ne voulait pas paraître à la porte d'Yvonne George comme un vulgaire pourvoyeur, mais aussi comme un admirateur toujours éperdu, un amoureux. Et bien qu'il fût déjà un peu épris de la femme de son ami Foujita, la belle Youki, il était encore plein d'un désir inassouvi pour la chanteuse, de bien plus qu'un désir: l'espoir toujours déçu que cette femme et lui formeraient l'une de ces gémellités amoureuses rayonnant à jamais dans le ciel des passions légendaires. Il acheta tous les petits bouquets d'anémones et les fit assembler en une énorme offrande. C'était la fleur d'Yvonne, il en avait décidé, tout comme l'étoile était son emblème. Et le bateau. Tout ce qui appelait l'immensité, le voyage vers l'infini, les profondeurs insondables, entre le bleu de la turquoise et le noir du dross, les couleurs de ses robes de scène.

Une petite femme, laide et effacée, lui ouvrit. Il ne lui dit pas même bonjour, certain de sa haine comme il l'était de la sienne. Il connaissait le chemin. Dans une semi obscurité et dans l'entêtant arôme de l'opium mêlé à celui du " Jicky " de Guerlain, il alla jusqu'à la chambre où elle faisait semblant de lire, ébouriffée, une robe de chambre de soie passée sur un vilain peignoir de bain, une mule battant à son pied tendu. Elle eut juste un mot pour les anémones, sa main déjà dans la main de Desnos fouillant sa poche. Elle vit qu'il était foudroyé par son visage bouffi, ses yeux trop maquillés, la fébrilité de tous ses gestes. Elle évita les zones de lumière mais, en gage de reconnaissance, laissa s'ouvrir un peu plus son décolleté, fit en sorte qu'une de ses jambes se révélât, bien au-dessus du genou, puis disparut dans la salle de bains en lui criant un joyeux: " Sers-toi, Robert! "

Il se versa un verre de fine et, sans autre sentiment que celui du devoir accompli, il l'attendit, son regard balayant la galerie d'Yvonne. Son affiche par Van Dongen, ses portraits par Man Ray ou par Henri Manuel et l'aquarelle qu'il avait faite d'elle, bien avant de la connaître: c'était bien le moins, pour lui qui était passé maître dans tous les secteurs de la magie, les arts de la divination, les sommeils hypnotiques qui épataient jusqu'à Benjamin Péret et dans lesquels il "parlait surréaliste ", avec ces si délicieuses contrepèteries mises au point par cette chère Rose Selavy, autrement dit Marcel Duchamp. Les années d'or, où il pouvait se considérer comme l'enfant chéri du groupe, le saint Jean d'un Jésus nommé André Breton. Les années Yvonne surtout. Mais les intégristes de la révolte ne pouvaient que lui pardonner une si flagrante infidélité en vertu du dogme de l'amour fou.

Amour fou, en effet. Quand cela avait-il éclaté exactement ? Etait-ce un de ces jours de 1924 où elle s'essayait, avant sa prestation triomphale de l'Olympia, en novembre, à gagner un public réticent Chez Fisher ou au Bœuf ? Car, bien entendu - et Robert Desnos ne pouvait qu'en souffrir, déjà -, Jean Cocteau avait le premier repéré cette étrange jeune Belge que Paul Franck, le directeur de l'Olympia, avait découverte à Bruxelles et qu'il avait, sur un coup de cœur, fait débuter dans son établissement en 1920. Des huées avaient accueilli son passage : qu'est-ce que c'était que ce drôle d'oiseau au visage de pierrot triste disant plus que chantant, dans une débauche d'effets théâtraux, un répertoire sinistre comme un cabaret au bord de l'Escaut? Quelques-uns l'avaient pourtant adoptée comme l'espoir d'une nouvelle grande figure de la comédie ou du mime, si ce n'était de la chanson. Elle avait paru, en nourrice, dans le Roméo et Juliette, de Cocteau et Jean Hugo, aux " Soirées de Paris " du comte Etienne de Beaumont, à la Cigale et dans un film de Loïe Fuller, Les Incertitudes de Coppélius.

Quoi qu'il en soit, la première fois que Robert Desnos l'avait vue et entendue, un bouleversement s'était produit en lui, une remise en question de tout son univers. Cette silhouette sombre aux gestes étudiés, plus longue encore d'être surmontée d'une tête grosse comme un poing, tous ses cheveux courts plaqués en arrière, ces yeux immenses masqués d'un fard agressif, cette bouche violette qui lançait comme des appels de détresse des complaintes antiques, des chansons de marins ou des airs surannés du début de siècle qu'elle muait en estampes au vitriol, tout cela le bousculait comme il ne l'avait jamais été, le déshabillait de toutes ses certitudes. Dans un éclair, il vit une terrible vérité : tout ce qu'il révérait en matière de poésie ne valait pas la plus humble des chansons de cette femme. Et cette femme était comme le moteur radioactif de cette révélation, la révélation même.

Il serait le grand prêtre de cette religion-là qui ne manquait déjà pas de disciples : Jean Cocteau, évidemment, mais aussi René Crevel et son frère jumeau d'Allemagne Klaus Marin, Marcel Herrand et les jeunes gens chics de Moysès; plus bon nombre de boulevardiers amoureux de la grande tradition héritée d'Yvette Guilbert, Henri Jeanson, Michel Georges Michel, Louis Léon-Martin, Pierre Lazareff ou Maurice Veme, tous se répandant dans leur journal respectif en superlatifs. Mais Desnos servirait toutes les églises, et sur le maître-autel. Il serait celui qui écrirait l'article anthologique du journal littéraire: "Il a suffi qu'elle chante pour que trous prenions conscience de notre lâcheté amoureuse, de l'absence intolérable du pathétique dans notre vie. Elle nous enseigne le départ avec son cortège de bilans sentimentaux, d'orgueil et de rancunes étouffées, la suprématie de l'amour sur les lois morales, la solidité des liens qui accouplent la sensibilité et la sensualité, l'irrémédiable déchirement des vies sans folie. C'est l'âme de l'homme enfin révélée qu'elle exprime. " C'est lui aussi qui lui ouvrirait toutes les portes de son œuvre en devenir, lui dédiant en secret La Liberté ou l'Amour ! et l'implorant de nourrir chaque vers des Ténèbres, elle que la passion envahissante de Desnos flatte mais perturbe parce que l'amour masculin lui est devenu rebutant depuis le temps où, durant l'occupation de la Belgique, elle devait chanter et aller au-delà, sans doute, pour la soldatesque commandée par Alfred Flechtheim, le grand amateur d'art francophile.

Quand elle le retrouvera, cinq ans plus tard, à une table du Bœuf sur le toit, ce sera devant Maurice Sachs qui se hâtera de cancaner les raisons quasiment patriotiques du retournement des préférences sexuelles d'Yvonne. Et le poète qui, dans La Voix de Robert Desnos, énumère pourtant les soumissions du monde au pouvoir de son désir ne peut que conclure le poème sur ces trois vers désenchantés :

"Celle que j'aime ne m'écoute pas

Celle que j'aime ne m'entend pas

Celle que j'aime ne me répond pas ".

Il n'en désespère pas pour autant, multipliant les actes poétiques et journalistiques, quand ce ne sont pas des recours à la chiromancie : son colocataire Georles Malkine le surprend en train d'enfouir des messages à Yvonne dans de petites figurines de plâtre qu'il garde pour lui seul. Elle, préfère pour sa part la proposition qu'il lui lance d'être pour lui ce que fut Jenny Colon à Nerval. Voilà qui les plaçait dans une perspective hautement culturelle tout en évitant le contact des épidermes. Alors, Desnos fuma-t-il l'opium et prisa-t-il l'héroïne pour établir avec elle, au moins ce bref et illusoire contact dont il parle dans Le vin est tiré... : " Ils savaient bien que ce baiser ne consacrait qu'une même douleur, que la Même souffrance provoquée par le vide de leur cœur, l'infirmité de leurs nerfs et de leurs muscles intoxiqués... "

Elle, elle s'y abandonnait totalement, sauvagement, l'aggravant de cuites monumentales et répétées. Les souvenirs de ses contemporains abondent de ses excès et de ses esclandres. Georges Van Parys, qui l'accompagna Chez Fisher, relate ses coupes de champagne jetées aux visages des richissimes clients de la boite de la rue d'Antin. Jean Wiener, qui l'accompagna aussi et la fit engager pour sa comédie musicale Le Village blanc au Théâtre des Champs-Elysées, laisse entendre qu'on du la remplacer in extremis pour cause d'éthylisme et d'aphonie. Jean Tranchant parle dans ses mémoires de " cette ombre de velours vert qui s'accrochait au rideau pour ne pas tomber ". Au réveillon de 1924, tout Paris l'attend pour le gala organisé par Rolf de Maré -directeur d Ballets suédois -, Francis Picabia René Clair, mais elle reste introuvable.

Et Jacques Charles, qui l'engagea` pour la dernière fois, au Moulin Rouge, en 1929, la voit arriver à la répétition, " à quatre heures du matin, titubante, l'oeil vague et la parole encore plus ". Et pourtant, à cause peut-être de ce lent suicide public, l'art d'Yvonne George - par ailleurs entièrement maîtrisé par un travail méticuleux, une dissection de chaque intention du texte atteint à une fulgurance qui oblige les critiques à d'extraordinaires déploiements lyriques. Ceux qui la sifflèrent naguère pour son " intellectualisme " s'extasient désormais sur ses confondantes trouvailles visuelles, ses " sorties " restées fameuses, cette façon d'en faire juste assez pour en suggérer plus.

Elle est cette femme, toujours abandonnée, lançant, à bout de souffle, un "Pars/Sans te retourner" qui va marquer la mémoire de la chanson, ou bien encore celle qui dit, d'une petite voix plaintive, " C'est pas fini/dis ? ", celle qui, de toute évidence, se tient tout entière consumée, implorante et royale en sa détresse, derrière l'héroïne de La Voix humaine. Cocteau, toujours, qui reportera sur Marianne Oswald et Edith Piaf les feulements qu'elle n'eut pas le temps de prendre à son Compte.

C'est le nom de ce rival abhorré qu'Yvonne George lança au visage de Desnos, quand elle revint, quelques minutes plus tard, de la salle de bains, changée, le regard vif, la chevelure soigneusement peignée avec cette petite vague blonde sur l'œil gauche. " Oui, Jean... Il organise pour moi une grande soirée au Grand Ecart !... C'est bien, de sa part, non ?... Comme ça, je pourrai aller me reposer un peu à Arcachon... Tu viendras, bien sûr?" Il n'en était pas si sûr que ça, cette clique mondaine l'exaspérait, même si elle se liguait pour essayer de sauver Yvonne. Et cela se doublait de l'humiliation de ne pouvoir rien faire, pour sa part, que d'aller négocier un sachet de blanche à Montmartre. Mais ça ne faisait rien : elle était là, devant lui, vivante, et cela suffisait à lui faire monter les larmes aux yeux.

Elle mourut, moins d'un an après, usée, dans une chambre d'hôtel de Gênes. Un oiseau de malheur avait annoncé sa fin avant l'heure. Elle envoya des rectificatifs: elle allait mieux, elle préparait sa rentrée... Mais elle ne revint à Paris que pour être incinérée, le 26 avril 1930, au crématorium du Père-Lachaise.

Robert Desnos, spirite, guetta désormais ses apparitions nocturnes, au pied de son lit. Elle y vint souvent. Puis il commença à superposer l'Y d'Yvonne avec celui de Youki, à mélanger l'étoile et la sirène. Après le sublime enfer de la chanteuse, l'espoir d'un peu de vie, enfin. Pourtant, jusqu'au bout, elle sera là, bien que totalement oubliée, quand il cherchera un exemple éclatant à proposer aux lecteurs de ses chroniques discographiques, la veille de son arrestation par la Gestapo, en 1944. Et elle est là, toujours, clans son Infinitif à l'acrostiche double, à jamais solidaire et séparée de lui par le poème, par l'amour, par la vie.

(c) Le Monde 14 Aout 1998


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jukebox 2010 # 13



Big Star, "Holocaust"... hommage tardif à Alex Chilton...
Pas la folle gaieté mais magnifique chanson...

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Emile - Fabrice Neaud # 07


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2010


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vendredi 19 mars 2010

dimanche 14 mars 2010

jukebox 2010 # 11



Kevin Rowland dans une étonnante mais chaleureuse version du classic "Concrete and clay" des Unit 4+2.

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mon film des années 80 : "NEIGE" de Juliet Berto et Jean-Henri Roger


Au début des années 80, un film mit le feu à mes rêves. En post-adolescent attardé, je ne connaissais pas encore Juliet Berto et très peu le cinéma de la nouvelle vague. J'allai donc, sans trop y croire, dans une salle de cinéma du Forum des Halles qui n'existe plus (je crois que c'est là où se trouve le Sephora aujourd'hui) et fis brutalement mes adieux à l'enfance devant cet écran. Pour la première fois (et loin d'être la dernière), je franchissai crûment les portes closes du quartier où je vécus jusqu'en 1997 : Pigalle. Les dealers, les putes au grand coeur, les barraques foraines, les travestis... tout un vocabulaire du cinéma des années 30 (de Duvivier à Renoir) était dynamité, dynamisé par l'oeil des deux cinéastes. A l'époque, le film fut, je crois, un immense succès au point d'avoir des copies sous-titrées en anglais ! Il obtient même je ne sais plus quelle récompense à Cannes. Pendant longtemps, la VHS tourna régulièrement sur mon magnétoscope. Aujourd'hui, ce bijou du film noir post-nouvelle vague (Roger et Berto travaillèrent tous deux avec Godard) est tombé dans un oubli total pour des raison de droits de succession. Aucune copie officielle ne circule et c'est aussi regrettable que l'absence de "La maman et le putain" des étagères de nos vidéothèques. Evidemment, quelques malins (dont je fais heureusement partie) ont pu se procurer un exemplaire hors commerce de cette merveille. Je vous invite donc tous à venir assister à une projection de ce film unique en son genre ("Cap Canaille" quelques années plus tard fut moins convaincant). Juliet Berto nous a quittés. Jean-Henri Roger ne fait plus guère parler de lui. On dirait presque que l'expression "film culte", tellement galvaudée qu'elle finit par ne plus rien vouloir dire, a été spécialement forgée pour cette "Neige" tellement noire ! Le scénario était signé Marc Villard (en pleine forme pour une fois) et la distribution était impériale : Juliet Berto (bien sûr),  Jean-François Stévenin, Patrick Chesnais, Jean-François Balmer, Paul Le Person, Dominique Maurin, Michel Berto, Nini Crépon, Anna Prucnal, Raymond Bussières, Eddie Constantine et Bernard Lavilliers (qui en signa la musique avec son tube : "Pigalle la blanche") ! Une promenade entre Anvers et Barbès avec escale en enfer. Un must absolu !


le seul bref extrait que j'ai pu trouver sur la toile :

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un mois en images - février 2010

(une incursion mémorable dans le 16ème arrondissement : terra incognita !)


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un mois en images - janvier 2010


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samedi 13 mars 2010

regrets éternels 1930-2010



Jean Ferrat

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avant, après # 30

L'île de la Jatte

avant


après



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Emile - Fabrice Neaud # 05


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split screen # 09




Comme une soudaine envie de soleil, de fleurs d'oranger et de miel...

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dimanche 7 mars 2010

jukebox 2010 # 10



bah quoi ? j'ai une certaine tendresse pour ce film et cette chanson est nommée aux oscars 2010 (alors que le film date de 2008)...

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samedi 6 mars 2010

Emile - Fabrice Neaud # 04


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jukebox 2010 # 09



Lili Boniche... Quelqu'un qui revient par cycle entre mes oreilles... Allez savoir pourquoi...

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un mois en images - décembre 2009



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un mois en images - novembre 2009

Comment et pourquoi je suis devenu fou de Sondheim (Pierre Philippe)

1979. New York. Mes amies new-yorkaises se tâtent. Convient-il au Parisien que je suis de lui faire faire connaissance avec un Broadway de légende (et déjà en partie éteint) à travers ce spectacle qui leur donne un haut-le-cœur anticipé : une histoire de rancune, celle d’un barbier assassin et d’une vieille pâtissière en chaleur, amoureuse jusqu’à fabriquer, de concert avec le meurtrier, des tartes à la viande goûtées par le Tout-Londres, celui de Dickens et de Jack l’Eventreur. J’insiste : je suis prêt à tout pour voir et entendre ce sanglant Sweeney Todd que New York a déjà condamné et qui se donne, en outre, à l’Uris, vaste établissement célèbre pour ses flops à répétition. La surprise, d’entrée, est de taille : le rideau de scène du spectacle de cette salle pompeusement rigoriste offre le naïf patchwork de toutes les perversions humaines, à la manière du fameux abécédaire criminel de l’Opéra de quat’sous devant lequel le bonimenteur de Brecht détaille les divers méfaits de Mackie Messer. Je crois rêver de ce clin d’œil à moi adressé, moi qui – peut-être – suis le seul dans cette salle à savoir d’où vient ces taps misérabilistes au bas duquel s’activent deux fossoyeurs ; moi dont la vie de spectateur a basculé, un soir de 1954, au vieux Théâtre Sarah-Bernhardt, devant la Mère Courage du Berliner Ensemble, sa savante mise en espace, son âpreté et sa gamme de bruns, de noirs et de gris. Car le reste est à l’avenant. Dans une sorte de transe, j’absorbe ce soir l’exact contraire de tout ce que Broadway a, de tout temps, offert à la gourmandise de son public, à son goût jamais rassasié pour le rythme syncopé, les apparences rutilantes et les épilogues moralisateurs. J’avale goulûment cette musique qui semble nourrie de toutes les autres et qui, cependant, affirme une originalité quasi arrogante. Tout cela est inouï, terrassant. Angela Lansbury effarante en confectionnant la pâtes des « pires tardes de Londres » dans un nuage de farine ponctué de mouches ; Len Cariou horrifiant en chantant son amour à ses larmes de rasoir avant de les plonger dans la gorge de ses clients ; et, au final, inoubliable, le claquement de la petite porte de fer du mur de fond du théâtre par où vient de s’enfuit toute la troupe dans une cohue épouvantée, nous laissant glacés devant l’immense structure de fonte sous laquelle Harold Prince a déployé toutes les ressources d’une mise en scène en permanent hommage aux grands Allemands des années vingt, Max Reinhardt et Edwin Piscator.

MAIS QUI EST-CE GENIE ?
A part lui, qui donc est l’auteur de cette noire beauté ? Un homme à qui l’on doit texte, musique et, assurément, l’esprit tout entier de ce qu’on n’ose appeler musical : Stephen Sondheim. Un opéra, alors ? Oui et non. Quelque chose qui tient de tout et de rien, un genre que – la suite va me le prouver – Sondheim est le seul à vraiment pratiquer, l’intrication subtile (oh, combien !) du théâtre musical et du fait divers, du conté des fées et du cinématographe, de la peinture, du musical proprement dit et – pourquoi pas ? – du vénérable opéra. Cet homme est un vivant shaker qui n’ignore rien ni personne, je vais apprendre à mieux le savoir. Car, bien entendu, je me précipite dès le lendemain sur tout ce qui peut me parler du personnage. Témoignages encore rares en ce temps. L’homme est, dit-on, secret et avare des heures consacrées à sa promotion. Il n’est alors « que » le lyricist de West Side Story, de Gypsy et de Do I Hear a Waltz ? de Richard Rodgers, l’auteur déjà complet de chansons qui ont laissé l’acerbe critique new-yorkaise – et souvent le public – dans l’interrogation, voire la stupeur. Il n’a pas encore cinquante ans et de folles ambitions dramaturgiques : traduire en paroles et musique étroitement enlacées des « sujets de société » (Company), la nostalgie des grandes années du music-hall (Follies), la revisitation d’un marivaudage d’Ingmar Bergman (A Little Night Music) ou les rapports politiques et culturels américano-japonais (Pacific Overtures). Sans doute le musical, depuis la fin de la guerre (et avant même), a-t-il pris en compte bien des aspects « sérieux » du monde contemporain, avec le racisme en tête de liste, mais seul Sondheim, au fil de ses années d’or, osera en toute tranquillité la mise en musique de projets aussi incongrus que l’amour dévastateur d’une vieille fille laide pour un fringant officier (Passion), la parade foraine de ceux qui pensèrent (et parfois réussirent) à trucider le président des Etats-Unis (Assassins) ou l’élaboration et l’achèvement d’une grande composition post-impressionniste : Sunday in the Park with George (d’après Un dimanche après-midi à l’île de la Grande Jatte de Georges Seurat). Œuvres fulgurantes, inclassables ; défis au provincialisme de spectateurs abonnés aux multiples reprises et triomphes de hits d’Irving Berlin, de Richard Rodgers et Oscar Hammerstein II ou de Cole Porter. Edification quasi occulte d’une œuvre d’envergure parallèle au main stream fédérateur de ces grands et inamovibles fabricants de divertissements qui n’étaient pas toujours aussi prudents qu’on ne le pense, mais se gardaient bien de tenir, comme lui, le rôle du chien dans le jeu de quilles.

UNE ENTREE DANS LA SECTE
J’entrai, dès lors, dans la société secrète des admirateurs éperdus de cet homme plus secret encore. J’étais loin d’en soupçonner la ferveur et la puissance, le principe d’exclusivité qui en bannissait les intrusions douteuses et allait jusqu’à craindre le succès d’un maître qui n’en demandait peut-être pas tant. Nous étions, sans le savoir, des millions de fidèles aux catacombes et, en France, une poignée de malades à constater que l’énoncé du nom de Sondheim ne faisait que soulever un sourcil interrogateur au plus avisé des musicologues. Un profond mépris enrobait de notre part à l’instant l’ignorant, le faquin, le pauvre type : encore un qui ne sait pas ! Comme quelques autres très minuscules prophètes, je pris l’avion, puis l’Eurostar, pour ce Londres qui aimait Sondheim autant qu’il l’aimait. Au Donmar, l’intime théâtre de Sam Mendes (pas encore le réalisateur révéré d’American Beauty, de Jarhead et des Noces rebelles, le réanimateur du coruscant Cabaret à la scène), je vis Assassins et son entresort de justiciers hilarants ou tragiques. Hélène Hazera, à mon instigation, m’y suivit et écrivit dans Libération le premier papier (à ma connaissance) paru ici sur son auteur. Il fallut quelques temps pour que Renaud Machart, au sein de la rédaction du Monde, rejoignît la courte légion des feudataires. J’offris à un ami, comme un cadeau sans pareil, la mirobolante version, au Shaftesbury, de Follies par Mike Ockrent. Cela durait des heures et cela n’aurait jamais dû avoir de fin. Sondheim, le contempteur du musical classique, y démontrait qu’il pouvait aussi coiffer tous les autres au poteau. Les tubes s’y bousculaient dans un déferlement ininterrompu de tulles et de plexiglas, de plumes et de perles sur un fond d’une noirceur absolue : jeunesse, amour et joie de vivre étaient fugaces ; les vieilles vedettes étaient comme des murailles de cet antique théâtre ; prêtes à être démolies, rayées des mémoires et, au mieux, laisser place à un parking. Eartha Kitt y chantait un seul song, mais quel ! Travaillant à ce moment dans la chansonnette, je résolus d’adapter « I’m still here » et jamais chanson ne me donna plus de mal que ce « Tenir » qu’enregistra Juliette. Je m’attaquai de même au « Broadway Baby » qu’Elaine Stritch avait hissé au sublime lors d’un homme historique du Tout-Broadway à l’auteur, en 1985, au Lincoln Center. A cette date, et avec ce Follies in Concert, Sondheim le damné passait directement de la marge à la sanctification comme l’avaient fait présager les multiples collages de ses grandes arias extirpées de leur contexte (une mode qui se perpétue jusqu’aujourd’hui). Mais ne ré-écrivait-il pas toujours la même chose, la même histoire de couples impossibles et d’amours divergentes ? La même chose, oui, pas cela se parait de toutes les couleurs du prisme dramaturgique et musical, de toutes leurs nuances, sans que jamais ne cessât de striduler la même petite corde, déchirée-déchirante, inavouée-inavouable, celle-là qui faisait que bien des fous de Sondheim, en lui, reconnaissent bien plus qu’un simple auteur et un musicien, fût-il génial, mais un frère.

UN LONDRES SONDHEIMIEN
Le cadeau de Follies en entraîna au autre, ou plutôt trois. « Que fais-tu ce week-end ? », me demanda l’ami à qui je l’avais offert. Il se trouvait qu’en cette fin de semaine de 1996, trois célébrations honoraient Londres et son public : Company à l’Albery, A Little Night Music au Royal National Theatre et le dernier opus du maître, Passion, au Queens. Aux manettes, respectivement, Sam Mendes, Sean Mathias et Jeremy Sams. Une fête de trois soirs, de trois moments-clés de l’humeur sondheimienne. Passion, tout comme A Little Night Music, transposaient une œuvre cinématographie, à savoir le presque inconnu Passione d’amore d’Ettore Scola, lui-même inspiré par Fosca, le roman sulfureux d’Ugo Tarchetti : Sondheim allait clamant dans la presse que cette création n’avait été possible que parce que sa vie maussade d’hier s’était brusquement éclairée d’un amour aussi inattendu que profond. Paradoxe : il n’avait jamais rien écrit de plus austère, de plus roide, à la limite de l’ennui : du Puccini, sans doute, mais sans l’allégresse. Il nous fallut A Little Night Music où Judi Dench, royale en Desirée Armfeldt, menait la valse mélancolique qu’avait naguère jouée Ingmar Bergman sur un grand piano noir (et blanc) et que Sondheim orchestrait avec plus de crème fouettée viennoise, me sembla-t-il, que de vinaigrette scandinave (il est vrai qu’une adaptation cinématographique – avec Elizabeth Taylor ! – en avait été tournée à Vienne sous la direction d’Harold Prince, son metteur en scène jusqu’alors attitré, sans succès d’ailleurs) pour nous rendre l’euphorie. Il fallut enfin le prodigieux Company, adapté d’histoires de George Furth et subtilement modernisé par Mendes, pour revenir à la jubilation que nous nous promettions en débarquant dans le West End. Première de ses fructueuses collaboration avec Prince (1970), cette version à la sauce Pinter d’une Ronde où la problématique des relations amoureuses et conjugales, l’interférence féroce des amours et des amitiés se paraient d’irrésistibles couplets et de numéros de danse endiablé, comportait deux nouveautés de taille : Robert, le héros, y était incarné par le Noir Adrian Lester et l’un des sketches, coupé dans la version américaine, faisait clairement intervenir l’homosexualité dans la farandole érotique qu’était Company tout entier.
Dans la journée, entre ces bienheureuses émotions, je passais des heures et me ruinait au Dress Circle, la Mecque londonienne de tout amateur de musicals. Les premières biographies de Sondheim, très illustrées, s’y arrachaient, de même que les rares captations en VHS de ses créations yankees. Il faudrait beaucoup attendre pour que parussent de véritables études musicologiques, des entretiens suffisamment serrés et que ce dieu timide apparaisse enfin hors de ses nuées. Tout de même, entre les lignes, on y dégustait maints détails sur son enfance et sa jeunesse, son baptême triomphal sous l’égide de Leonard Bernstein, le va-et-vient de ses rencontres théâtrales, l’apparition ou la disparition inexplicable de certains de ses collaborateurs, sa dévotion pour Satie et Reich, son goût pour le cinéma français des années trente (surtout Julien Duvivier !), ses démêlés avec sa voisine Katharine Hepburn qu’importunaient les accents de son incessant piano, de petits rien qui étaient, alors, beaucoup. Je découvris là l’existence d’une Stephen Sondheim Society et de son bulletin dans lequel les membres de la secte pouvaient s’exprimer tout à leur aise et apprendre – avec quelle envie ! – où se donnait, au jour le jour, et de par le monde, l’une des œuvres de l’auteur. Tous ces piqués, comme moi, haïssaient Andrew Lloyd Webber et l’ensemble de ses ronflants succès publics ; ils regrettaient que le mixeur du Stavisky d’Alain Resnais eût écrasé le score de Sondheim ; ils scrutaient d’une oreille suspicieuse les reprises de quelques-uns de ses ais mémorables par quelque vedette du show-biz étrangère à la galaxie de ses interprètes favoris. Ces spectateurs étaient – rangs serrés autour du temple musical en permanente édification – ses gardiens tout autant que ses policiers, ses inquisiteurs et ses nounous. Je me demandais parfois comment notre homme subissait un tel culte, une telle pression aussi. Toute cette vénération ne risquait-elle pas de ligoter un créateur déjà célèbre par ses atermoiements et les avortements d’œuvres attendues, les continuelles retouches à celle qui semblaient à jamais bouclées ? Avait-il droit à l’erreur, aux errements, aux refus ? Il semblait bien que non. Il me paraissait bien, à moi – mais étais-je le seul ? – que l’ultime frisson créatif de Sondheim fût ce Sunday in the Park with George où il était allé l’extrême frontière au-delà de laquelle régnait, terrible, le silence. Tout en partait, du blanc de la page, de la toile (du papier à musique ?) immaculés du début pour y revenir, au final, lorsque le grand œuvre était achevé, encadré, voué au respect des visiteurs de musées.

SUNDAY IN THE PARK… : LE GRAND CHOC
Il me souvient qu’en 1984 je me ruais au Playwrights Horizons Theater, Off off broadway (cent trente-cinq places !), pour, coûte que coûte et dussé-je mentir un peu, contempler un phénomène dont discouraient toutes les bouches avisées de la ville. On trouva une chaise pour ce Parisien qui ne passait qu’un soir, disait-il, à New York. J’avais le nez collé à Mandy Patinkin incarnant Seurat, carnet de croquis et fusain en mains, dans un espace implacablement blanc, et j’allais en effet assister à un phénomène, un éblouissement, l’une de ces heures de théâtre comme on en compte peu dans la vie d’un amateur. Le nouveau (le dernier ?) pari de Sondheim tenait dans cette feuille de papier à dessin encore vierge qu’était le plateau. Son héros allait, une heure durant, le décorer et le peupler à sa guise, esquissant telle silhouette ou l’anéantissant d’un revers, accumulant les « remords », peuplant d’énigmes cette clairière de l’île de la Jatte où Georges Seurat, en 1886, avait déjà posé les siennes. Des arbres descendaient des cintres ou y remontaient lorsqu’un des personnages s’étonnait de les voir là où ils n’étaient pas une seconde auparavant. On apercevait des bateaux voguer en fumant sur la Seine, des ombrelles tomber du ciel et des chiens surgir du sol, des robes changer de couleur parce que le peintre subitement, trouvait que celles-ci juraient avec l’uniforme du troupier qui les avoisinait. La musique, comme l’inspiration du peintre, sinuait, feutrée, presque absente. Elle ne s’énervait que lorsque Seurat, de face (et sa toile, par conséquent, visible à l’envers par les spectateurs), criblait sa composition de ses fameux petits points de couleur pure : « Too green / Do I care ? / Too blue / Yes / Too soft / What shall I do ? / Well / Red ! » ou lorsque tout le paysage et ses personnages vivants étant en place, dans l’exacte reconstitution du tableau d’origine, Patinkin les englobait d’un vaste geste (« Composition/Tension/Balance/Light/And harmony ! ») et, d’un bond, retirait ses lunettes anachroniques à l’enfant qui marque le centre de Un dimanche après-midi à l’île de la Grande Jatte, trésor seulement visible au musée des Beaux-Arts de Chicago.
Sondheim s’était brouillé avec Harold Prince après l’échec de Merrily We Roll Along, œuvre de transition à la fois grave et légère de 1981. Son nouveau dramaturge (au sens allemand du terme) était James Lapine, à qui revenait une large partie de l’exceptionnelle réussite visuelle de Sunday. La chose prit d’ailleurs rapidement la route du Broadway traditionnel et y remporta la non moins traditionnelle avalanche de prix qui fournissait, bon an mal an, l’assurance de sa primauté à un Stephen Sondheim toujours au sujet au doute de convaincre ses compatriotes. De toutes façons, Broadway ou pas, ce pic était insurmontable. La suite se montra fertile en déconvenues. A mon humble niveau, certain désenchantement succéda à l’enthousiasme, les réserves à la totale adhésion. Etait-il bien raisonnable d’adore à ce point un pasticheur qui faisait fi de toutes les recherches de la musique depuis Edgar Varése ? Ce géant n’était-il qu’une sorte d’alliance entre un Vincent Scotto et un Albert Willemetz orchestré par Maurice Ravel ? Et, d’ailleurs, n’était-ce pas à Jonathan Tunick, son arranger élu, à qui l’on devait tant de virtuosité sonore et cette éblouissante connaissance du grand répertoire ? J’étais toujours timbré, mais sans la camisole de force, et il suffisait d’un bref retour à la source pour me replonger dans une sondheimanie rayonnante. Fou à jamais et heureux de l’être. Un exemple : il me semble que, pour le Metropolis d’Arte, je ne fis le portrait de Ned Rorem – autre grande figure méconnue de la musique américaine – que pour faire parler quelqu’un qui avait fait parler Sondheim…
L’an 2010 sera-t-il celui où le public français pourra rattraper son navrant retard sur tous les autres et entrer, lui aussi, dans la Stephen Sondheim Society ? A l’évidence, cette année sera une grande année Sondheim : d’abord parce qu’elle est celle où le Châtelet, le premier en France, montera un A Little Night Music à la mesure de notre attente. Ensuite parce que, le 31 juillet de cette même année, le concert des Proms, à l’Albert Hall de Londres, lui rendra hommage – on imagine avec quel éclat – pour son quatre-vingtième anniversaire. Quel membre de la désormais planétaire Stephen Sondheim Society ne se sentirait-il pas – comme moi – déshonoré de n’être pas présent à ce couronnement ?

Pierre Philippe

© Programme du Châtelet, 2010

jeudi 4 mars 2010

Emile - Fabrice Neaud # 03

jukebox 2010 # 08



je ne sais plus si j'ai déjà publié ce bijou... mais Guy Marchand étant sublime dans "L'arbre et la forêt" de Ducastel et Martineau, je ne peux pas y résister...