IN-VRAI-SEM-BLA-BLE !
ce que j'ai vu sur la scène de Chaillot hier soir est une chimère... un vertige dont on peut se demander si on rêve ou pas ! "Le projet Andersen" écrit et mis en scène par Robert Lepage avec Yves Jacques.
tout d'abord un petit rappel, Robert Lepage et Yves Jacques. Les noms ne sont pas forcément familiers au public français mais tout le monde les connaît sans forcément les identifier. Les deux ont incarné des personnages inoubliables chez Denys Arcand. Lepage est ce personnage hilarant de "Jésus de Montréal" qui accepte de jouer la passion du Christ à condition de pouvoir y dire le monologue d'Hamlet. Yves Jacques est l'homosexuel du "Déclin de l'empire américain" et des "Invasions barbares".
Ce "projet Andersen" est le premier solo de Lepage que j'ai vu sur scène. Je connais le film qu'il a tiré de sa "Face cachée de la lune" mais ça n'a plus grand chose à voir... même si la thématique reste similaire. Ici, Andersen est évidemment un prêtexte.
Tout d'abord, dès les premières secondes du spectacle, la perception est mise à mal. Devant quoi nous trouvons nous ? Comment fait-il ? Combien sont-ils sur scène ? Sérieusement, basiquement. Comment Yves Jacques fait-il pour passer de l'accent québécois à celui d'un énarque parisien avec une telle facilité ? Comment fait-il pour modifier sa silhouette aussi vite ? Pourtant la performance n'est pas ce qui retient le plus l'attention, ce n'est que la surface de ce qui se joue sur scène (une de mes seules critiques, comme souvent à Chaillot, est que la salle n'est pas forcément la plus appropriée à ce genre de spectacle qui aurait sans doute gagné à plus d'intimité). Petit à petit, strate par strate, la pièce se déroule sur un mode finalement très musical avec ses thèmes, ses variations... Andersen étant la mélodie de base... Andersen en tant qu'auteur des fameux contes que tout le monde croit connaître et dont on oublie généralement la terrible cruauté... (Les thèmes de "La dryade" et de "L'ombre" ne sont pas forcément destinés à nos chères têtes blondes... ) Andersen en tant qu'être humain et surtout terriblement et tragiquement seul... On apprend stupéfait qu'il n'aura jamais connu les joies de la sexualité et se sera toute sa vie contenté des plaisirs solitaires... Andersen donc comme miroir que se tend Robert Lepage en tant qu'artiste exilé à Paris... Ici, le projet prend de l'ampleur et on s'interroge sur le rôle de la culture institutionnelle et celui de la culture populaire, entre les cultures française, québécoise et américaine... Finalement, le "fameux" article de Time a des échos un peu partout... Lepage va même jusqu'à s'affronter à son statut d'américain du nord et surtout à cette langue anglaise qui n'est pas la sienne et qu'il ne parle pas... "no budget, no puppet" !
Finalement, ce joyeux spectacle n'est finalement qu'une variation très intime sur la solitude... celle du comédien sur scène, celle d'Andersen, celle qu'impose la différence et/ou le monde moderne... On passe donc de l'infiniment petit à l'infiniment grand au détour d'une séquence...
Admirable !
Cette fin d'année est finalement très riche... Même si force m'est d'admettre que les plus beaux spectacles de cette saison viennent d'ailleurs... Québec, Lituanie, Pologne, Grande Bretagne... Qui a donc parlé de la mort de la culture française ? Quoi qu'il en soit, aller voir ces grandes productions étrangères est une expérience passionnante qui nous permet de comparer les différentes approches du spectacle pour le meilleur ou pour le pire... Je garde tout de même un très mauvais souvenir d'un horrible "Moby Dick" il y a quelques semaines... et une étonnante "Andromaque" passée à la moulinette shakespearienne par Declan Donnellan aux Bouffes du Nord sur laquelle je reviendrai peut être prochainement...
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