dimanche 30 septembre 2007
"8 femmes" songbook # 1
pas certain de trouver toutes les chansons originales qui ont servi à construire le film d'Ozon mais ça vaut le coup d'essayer... c'est trop drôle !
popin jukebox # 10
indirectement mais indubitablement relié à mon époque "popin", je dédie cette "Carolina" à mes chers Dom', Sba', Hasnae et, bien évidemment, mon petit Jeff à la peau d'ange.
i've got a secret
un génie en direct à la tv en janvier 1960. encore aujourd'hui, John Cage est globalement incompris. il a radicalement révolutionné le concept de composition musicale en y incluant le hasard et l'idée de son. un des aspects les plus émouvants de son travail est paradoxalement la douceur de sa voix qui a souvent fait partie intégrante de son oeuvre.
ses disques sont légion mais mes favoris sont indubitablement "lecture on nothing", "roaratorio", "indeterminacy" et l'ahurissant "empty words part II" où il lit impassiblement son texte tandis que le public se rebelle de plus en plus agressivement à son encontre. Angelin Preljocaj a chorégraphié ce morceau il y a quelques années ("empty moves") et ça reste une expérience absolument inoubliable.
pépitothèque de la danse # 1
le débat est réel : peut on filmer la danse ? ayant été bercé par la captation d'immenses spectacles, je suis évidemment pour, radicalement pour. je vais même jusqu'à prétendre que la caméra améliore parfois la danse. c'est mon côté cinéphile. et puis, comme pour le comédien, l'image est le seul moyen d'éditer le travail de ces artistes de l'instant. et rien que pour ça, le film est inestimable.
voici donc "l'après midi d'un faune" dans la chorégraphie de Nikinsky avec Rudolf Noureïev.
autour de mes nuits # 3
"round about midnight" (autour de minuit)
Thelonious Monk(p) Charlie Rouse(ts) Larry Gales(b) Ben Riley(ds)
Norway 1966
la séquence du spectateur (petite cinémathèque idéale # 12)
une merveille redécouverte à Londres il y a quelques mois. tellement plus qu'un simple film.
May you be in heaven half an hour...
putain de film !!! film de ouf !!!
d'abord la structure éclatée qui nous laisse penser à la version élégante d'un tarantino... ensuite la distribution, à ce niveau ce ne sont plus des stars, ce sont des constellations en présence (dire d'Albert Finney, Philip Seymour Hoffman, Ethan Hawke et, même, Marisa Tomei qu'ils sont monstrueux est presque leur faire offense) ... et puis... pourtant petit à petit, on sent que ça bascule... que le terrible drame initial n'est pas forcément le sujet du film... lentement, comme par sédimentation, prend forme ce que le cinéma américain ne nous avait pas offert depuis des lustres : une authentique tragédie... avec ce qu'elle peut véhiculer de trivialité... le moindre figurant prend une dimension redoutable dans ce qui n'est évidemment plus une mécanique mais bien l'expression ultime d'un terrible artiste largement mésestimé : Sidney Lumet.
indubitablement, un des très grands films de l'année !
oubliez le titre français, l'original est magnifique : "before the devil knows you're dead".
ps : remarquez l'invraisemblable et troublante présence de Blaine Horton dans le rôle du dealer. j'ignore tout de lui et il n'a visiblement fait que ça mais je suis certain qu'il ira loin.
pps : une soirée foutraque, improvisée et agréable comme ça, j'en réclame plus souvent...
samedi 29 septembre 2007
autour de mes nuits # 2
Dizzy Gillespie (tp) Charlie Parker (as) Dick Hyman (p) Sandy Block (b) Charlie Smith (d), Dumont TV Studios, NYC, February 24, 1952 - Hot House
je me souviens # 1
Je me souviens de « La jeune fille » du 10 mai 1981
Je me souviens de la mort de Mama Cass
Je me souviens de « Apprenez, apprenez, la valeur d’un fils, quatorze condamnés »
Je me souviens de la Piste aux Etoiles
Je me souviens de Pim Pam Poum
Je me souviens de la dame à la bûche
Je me souviens du sirop typhon
Je me souviens des bouquinistes de la rue de Provence
Je me souviens de mon prof d’histoire-géo pédophile (mais à l’époque on ne savait pas que c’était mal)
Je me souviens de « Du côté de chez Fred » et des dessins de Pierre Le Tan
Je me souviens que Pascale Ogier et de Pauline Laffont sont mortes à peu près à la même époque
Je me souviens de la difficulté à trouver les albums d’Ornette Coleman ou Cecil Taylor
Je me souviens d’avoir été intrigué puis fasciné par les images de Madeleine Renaud dans « Les beaux jours » des années avant de la découvrir sur scène
Je me souviens de Daniel D., mon premier amant
Je me souviens d’avoir croisé Jean-Claude Carrière dans un restaurant indien et ne plus avoir revu le copain qui m’accompagnait ce soir là
Je me souviens du Torrey Canyon et de l’Amoco Cadiz
Je me souviens de « Oum le dauphin »
Je me souviens d’avoir offert ma très belle édition originale de poche à un copain juif qui mourait d’envie de le lire
Je me souviens d’avoir dansé avec Eliane R. sur « Lush life » de Coltrane & Johnny Hartman et que tout le monde nous voyait mariés à l’époque
Je me souviens d’avoir oublié d’aller à un concert d’Al Green
Je me souviens de ma mère me racontant que les gens de son village pensaient, dans les années 40, que les gens de la ville « pinçaient » les murs pour allumer la lumière
Je me souviens du 11 septembre
Je me souviens de « L’homme de Kiev » le soir de la mort de Pompidou
Je me souviens de ma sœur dansant dans la salle à manger
Je me souviens de Pablo mais, hélas, pas de son visage
Je me souviens de la surprise de ma mère quand elle apprit que Rock Hudson était gay
Je me souviens de mes innombrables angoisses
Je me souviens de « Timon d’Athènes » aux Bouffes du Nord
Je me souviens d’avoir toujours été incapable de regarder « Les amitiés particulières » à la télévision
Je me souviens de ma grand-mère m’accompagnant au cinéma le dimanche
Je me souviens que Noël Mamère présentait le JT
Je me souviens du concert d’Yves Montand réservé aux étudiants, à l’Olympia
Je me souviens des trains de nuit pour Zumaya
Je me souviens de Sylvain Jacques chez Chéreau puis nulle part
Je me souviens du Catalogue de la Redoute
Je me souviens des cours d’économie-politique d’Annie C.
Je me souviens de mon premier baiser, tardif, avec Pascal L.
Je me souviens des bougies psychédéliques d’Olivier J. et de son matelas d’eau
Je me souviens d’être arrivé en retard (et, donc, d’être rentré chez moi) à la séance meurtrière de « La dernière tentation du Christ » au cinéma St Michel le 23 octobre 1988
Je me souviens du concert d’Ella Fitzgerald et Joe Pass au Palais des Congrés
Je me souviens de Dim Dam Dom
Je me souviens de « que oui mais que non »
Je me souviens d’une fameuse séance de « On the town » à l’Action Lafayette
Je me souviens de mes premières orgies dans les dunes de mon île
Je me souviens du grand schlem de Björn Borg
Je me souviens d’avoir réussi mon permis de conduire du premier coup et ne plus jamais avoir conduit depuis
Je me souviens des « Tremblay, quelle famille »
Je me souviens que Sacha Guitry est enterré juste à l’entrée du cimetière de Montmartre
Je me souviens du Biafra
cadeau... "l'occupation des sols" de Jean Echenoz
Comme tout avait brûlé – la mère, les meubles et les photographies de la mère -, pour Fabre et le fils Paul c’était tout de suite beaucoup d’ouvrage : toute cette cendre et ce deuil, déménager, courir se refaire dans les grandes surfaces. Fabre trouva trop vite quelque chose de moins vaste, deux pièces aux fonctions permutables sous une cheminée de brique dont l’ombre donnait l’heure, et qui avaient ceci de bien d’être assez proches du quai de Valmy.
Le soir après le dîner, Fabre parlait à Paul de sa mère, sa mère à lui Paul, parfois dès le dîner. Comme on ne possédait plus de représentation de Sylvie Fabre, il s’épuisait à vouloir la décrire toujours plus exactement : au milieu de la cuisine naquirent des hologrammes qui dégonflaient la moindre imprécision. Ca ne se rend pas, soupirait Fabre en posant une main sur sa tête, sur ses yeux, et le découragement l’endormait. Souvent ce fut à Paul de déplier le canapé convertible, transformant les choses en chambre à coucher.
Le dimanche et certains jeudis, ils partaient sur le quai de Valmy vers la rue Marseille, la rue Dieu, ils allaient voir Sylvie Fabre. Elle les regardait de haut, tendait vers eux le flacon de parfum Piver, Forvil, elle souriait dans quinze mètres de robe bleue. Le gril d’un soupirail trouait sa hanche. Il n’y avait pas d’autre image d’elle.
L’artiste Flers l’avait représentée sur le flanc d’un immeuble, juste avant le coin de la rue. L’immeuble était plus maigre et plus solide, mieux tenu que les vieilles constructions qui se collaient en grinçant contre lui, terrifiées par le plan d’occupation des sols. En manque de marquise, son porche saturé de moulures portait le nom (Wagner) de l’architecte-sculpteur gravé dans un cartouche en haut à droite. Et le mur sur lequel, avec toute son équipe, l’artiste Flers avait peiné pour figurer Sylvie Fabre en pied, surplombait un petit espace vert rudimentaire, sorte de square sans accessoires qui ne consistait qu’à former le coin de la rue.
Choisie par Flers, pressée par Fabre, Sylvie avait accepté de poser. Elle n’avait pas aimé cela. C’était trois ans avant la naissance de Paul, pour qui ce mur n’était qu’une tranche de vie antérieure. Regarde un peu ta mère, s’énervait Fabre que ce spectacle mettait en larmes, en rut, selon. Mais il pouvait aussi chercher la scène, se faire franchement hostile à l’endroit de l’effigie contre laquelle, en écho, rebondissaient ses reproches – Paul s’occupant de modérer le père dès qu’un attroupement menaçait de se former.
Plus tard, suffisamment séparé de Fabre pour qu’on ne se parlât même plus, Paul visita sa mère sur un rythme plus souple, deux ou trois fois par mois, compte non tenu des aléas qui font qu’on passe par là. D’une cabine scellée dans le champ de Sylvie Fabre, il avait failli appeler son père lorsqu’on se mit à démolir la vieille chose insalubre qui jouxtait l’immeuble Wagner. Celui-ci demeura seul, dressé comme un phare au bord du canal. Le ravalement de la façade fit naître sur la robe bleue, par effet de contraste, une patine ainsi que des nuances insoupçonnées. C’était une belle robe au décolleté profond, c’était une mère vraiment. On remplaça la vieille chose par un bâtiment dynamique tout carrelé de blanc, bardé de balconnets incurvés, l’autre flanc du Wagner se trouvant heureusement protégé par la pérennité de l’espace vert, qui formait un gazon subsidiaire aux pieds de Sylvie.
Négligence ou manœuvre, on laissait l’espace dépérir. Les choses vertes s’y raréfièrent au profit de résidus bruns jonchant une boue d’où saillirent des ferrailles aux arêtes menaçantes, tendues vers l’usager comme les griffes mêmes du tétanos. L’usager, volontiers, s’offense de ces pratiques. Heurté, l’usager boycotte cet espace rayé du monde chlorophyllien, n’y délègue plus sa descendance, n’y mène plus déféquer l’animal familier. Le trouvant un matin barré d’un palissade, il cautionne cette quarantaine l’œil sec, sans se questionner sur son initiative ; son cœur est froid, sa conscience pour soi.
La palissade se dégraderait à terme : parfait support d’affiches et d’inscriptions contradictoires, elle s’était vite rompue à l’usure des choses, intégrée au laisser-aller. Rassérénés, les chiens venaient compisser les planches déjà gorgées de colle et d’encre, promptement corrompues : disjointes, ce que l’on devinait entre elles faisait détourner le regard. Son parfum levé par-dessus la charogne, Sylvie Fabre luttait cependant contre son effacement personnel, bravant l’érosion éolienne de toute la force de ses deux dimensions. Paul vit parfois d’un œil inquiet la pierre de taille chasser le bleu, surgir nue, craquant une maille du vêtement maternel ; quoique tout cela restât très progressif.
Il suffit d’un objet pour enclencher une chaîne, il s’en trouve un toujours qui scelle ce qui le précède, colore ce qui va suivre – au pochoir, ainsi, l’avis du permis de conduire. Dès lors c’est très rapide, quelqu’un sans doute ayant vendu son âme avec l’espace, il y a le trou. Il y eut le trou, tapissé de cette terre fraîche qui est sous les villes, pas plus stérile qu’une autre ; des hommes calmement casqués de jaune la pelletaient avec méthode, s’aidant de machines, deux bulldozers puis une grue jaunes. Les planches brisées de la palissade brûlaient sans flamme dans une excavation, poussant des spires de colle noire dans l’air. Tendu sur des piquets rouges, du ruban rouge et blanc balisait le théâtre. Les fondations enracinées, toutes les matières premières livrées, on lança la superstructure et de nouvelles planches neuves traînèrent un peu partout, gainées d’un grumeau de ciment. Les étages burent Sylvie comme une marée. Paul aperçut Fabre une fois sur le chantier, l’immeuble allait atteindre le ventre de sa mère. Une autre fois c’était vers la poitrine, le veuf parlait avec un contremaître en dépliant des calques millimétrés. Paul se tint à distance, hors de portée de la voix énervante.
Au lieu de l’espace vert, ce serait un immeuble à peu près jumeau du successeur de la vieille chose, avec bow-windows au lieu de balconnets. Plus tard tous deux seraient solidaires, gardes du corps du Wagner préservé, projetant l’intersection de leurs ombres protectrices sur sa vieille toiture en zinc. Mais à partir des épaules, le chantier pour un fils devenait insoutenable, Paul cessa de le visiter lorsque la robe eut été murée. Des semaines passèrent avant qu’il revînt quai de Valmy, d’ailleurs accidentellement. L’édifice n’était pas entièrement achevé, des finitions traînaient, avec des sacs de ciments déchirés ; mastiquées depuis peu, les vitres étaient encore barrées de blanc d’Espagne pour qu’on ne les confondît pas avec rien. C’était un sépulcre au lieu d’une effigie de Sylvie, on l’approchait d’un autre pas, d’une démarche moins souple.
Après l’entrée, au cœur d’une cour dallée, un terre-plein meuble prédisait le retour de la végétation trahie. Paul considérant cela, un femme qui venait sur le trottoir s’arrêta derrière lui, leva les yeux au ciel et cria Fabre. Paul, dont c’est quand même le nom, se tourna vers elle qui criait Fabre Fabre encore, j’ai du lait. La voix énervante tomba du ciel, d’une haute fenêtre au milieu du ciel : tu simules, Jacqueline. La femme s’éloignait, on ne sait qui c’était. Monte, Paul.
Des revers avaient dû sévir pendant leur perte de vue puisqu’il n’y avait plus aucun de ces gros meubles achetés en demi-deuil, lustrés par l’argent de l’assurance. Ce n’était qu’un matelas de mousse poussé contre le mur de droite, un réchaud, des tréteaux avec des plans dessus ; déjà les miettes et les moutons se poursuivaient sur le sol inachevé. Mais Fabre se tenait bien vêtu, ne craignait pas l’eau froide. Il avait fait les vitres par lesquelles on distinguait le fond du canal, privé de son liquide pour cause de vidange trisannuelle : trop peu d’armes du crime se trouvaient là, les seuls squelettes étant des armatures de chaises en fer, des carcasses de cyclomoteurs. Sinon cela consistait en jantes et pneus disjoints, pots d’échappement, guidons ; la proportion de bouteilles vides semblait normale, en revanche une multitude de chariots d’hypermarchés rivaux déconcertait. Constellé d’escargots stercoraires, tout cela se vautrait dans la vase que de gros tuyaux pompaient mollement sous leurs anneaux gluants, lâchant d’éventuels bruits de siphon.
Fabre s’était présenté le premier au bureau de location, avant même l’intervention des peintres, donnant un regard mort à l’appartement témoin. On ne le dissuada pas franchement d’emménager tout de suite au quatrième étage côté Wagner, dans un studio situé sous les yeux de Sylvie qui étaient deux lampes sourdes derrière le mur de droite. Selon ses calculs il dormait contre le sourire, suspendu à ses lèvres comme dans un hamac ; à son fils il démontra cela sur plans. La voix de Fabre exposait une mission supérieure, relevant d’une cause auprès de quoi les nerfs du fils pouvaient faire l’autruche. Paul partit quand même après vingt minutes.
Il rassembla des affaires et revint samedi soir. Le père avait fait quelques courses : un autre bloc de mousse, quelques outils, beaucoup de yaourt et de pommes chips, beaucoup de nourriture légère. Nul ne raconta rien de ces dernières années, rien ne s’évoqua sous l’ampoule nue ; on discourut juste de la nécessité, puis de la couleur d’un abat-jour. Fabre était un peu plus disert que Paul, avant de s’endormir il se plaignait doucement, comme pour lui-même, du système de chauffage par le sol. Regarde un peu le soleil qu’on a, dit-il aussi le lendemain matin.
Le soleil en effet balaierait tout le studio, comme un projecteur de poursuite dans un music-hall frontalier. C’était dimanche, dehors les rumeurs étouffées protestaient à peine, parvenant presque à ce qu’on les regrettât. Ainsi que tous les jours chômés, les heures des repas tendraient à glisser les unes sur les autres, on s’entendit pour quatorze heures – ensuite on s’y met. Un soleil comme celui-ci, développa le père de Paul, donne véritablement envie de foutre le camp. Ils s’exprimèrent également peu sur la difficulté de leur tâche qui requerrait, c’est vrai, de la patience et du muscle, puis des scrupules d’égyptologue en dernier lieu. Fabre avait détaillé toutes les étapes du processus dans une annexe agrafée aux plans. Ils mangèrent dont vers quatorze heures mais sans grand appétit, leurs mâchoires broyaient la durée, la mastication n’était qu’horlogère. D’un tel compte à rebours on peut, avant terme, convoquer à son gré le zéro. Alors autant s’y mettre, autant gratter tout de suite, pas besoin de se changer, on a revêtu dès le matin ces larges tenues blanches pailletées de vieille peinture, on gratte et des stratus de plâtre se suspendent au soleil, piquetant les fronts, les cafés oubliés. On gratte, on gratte et puis très vite on respire mal, on sue, il commence à faire terriblement chaud.
© Jean Echenoz, Les éditions de Minuit, 1988
autour de mes nuits # 1
petite tentative de retour vers la musique qui a fait vibrer mes sens jusqu'à l'orgasme...
pour inaugurer cette nouvelle entrée, bud powell m'a semblé être évidence...
protégeons nous... parce nous le valons bien ! # 1
pépitoscope : 26 septembre 2007
En scène
Avant qu'on lève le rideau
Déposons là tous nos fardeaux
Nos peines
Et retrouvons nos oripeaux
Ils sont plus vrais que notre peau
Ils viennent
Faire de nous des éphémères
Capables de tous les frissons
D'apprivoiser mille chimères
Et puis le temps d'une chanson
D'être Arlequin ou Cléopâtre
y a-t-il une vie après le théâtre
En scène
Une fois le rideau levé
Plus rien ne peut nous arriver
La reine
Ailleurs si prête à trébucher
Promène sans s'effaroucher
Sa traîne
Chacun de nous reprend sa place
Le bègue oublie de bafouiller
Le timide est rempli d'audace
Le muet peut s'ègosiller
C'est leur coeur qui se met en quatre
y a-t-il une vie après le théâtre
En scène
C'est la vie mais pas tout à fait
C'est une apparence un reflet
A peine
Comme si juste on attendait
Que ce moment presque parfait
Survienne
C'est une quête si fragile
Qu'un souffle peut la déranger
C'est une fée aux pieds d'argile
C'est un éclat c'est un danger
Mais c'est l'espérance opiniâtre
y a-t-il une vie après le théâtre
En scène
On est le rêve du passant
De ses amours le remplaçant
On traîne
Un univers envahissant
Dont la tendresse veut qu'on s'en
Souvienne
On sourit on salue on brille
On garde plus que de raison
Son diadème de pacotille
Et on ramène à la maison
Ce pauvre moi qu'on idolâtre
y a-t-il une vie après le théâtre
En scène
Le temps s'égrène au ralenti
Mais l'heure petit à petit
S'amène
Où le dernier mot retentit
Où le rideau nous engloutit
Obscène
Et sans qu'au dehors on le sache
Dans les coulisses on fait son deuil
Avec un restant de panache
D'une existence en trompe-l'oeil
D'un coeur qui s'arrête de battre
y a-t-il une vie après le théâtre
On sait qu'il n'y aura pas de fleurs
Pour accompagner le silence
Loin de la scène loin du coeur
Plus de musique pour la danse
On aura cessé de combattre
y a-t-il une vie sans le théâtre ?
(c) anne sylvestre, 2007
vendredi 28 septembre 2007
jeudi 27 septembre 2007
"mi familia" songbook # 1
vaguement entendue chez Almodovar, Sara Montiel est une des plus grandes "estrellas" au-delà des Pyrénées...
looking for jean-baptiste.
celui impressionnant et presque inquiétant de la rue Richelieu...
la maison où il est né...
et celle où il est né...
la véritable maison où Molière, donc, naquit est celle sans le buste, au 96 de la rue St Honoré.
celle du 31 de la rue du pont-neuf n'est qu'une aberration... du moins, c'est ce que j'ai lu... quoiqu'il en soit, les deux plaques persistent à quelques centaines mètres de distance...
La preuve que "Hors de Paris il n’y a point de salut pour les honnêtes gens" !
mercredi 26 septembre 2007
un pur moment de douceur.
sur les Gobelins hier soir, un murmure dans mes oreilles, la version d'Albert Pla extraite de la compilation "Viva la tristeza" (la BO de "Hable con ella" d'Almodovar) de cette merveilleuse berceuse. je n'ai pu trouver que la version originale de Jaume Sisa. profitez-en...
mardi 25 septembre 2007
pour une nouvelle, c'est une bonne nouvelle...
"shine" devrait fleurir très prochainement dans les bacs... et d'ores et déjà dans mon ipod shuffle...
lundi 24 septembre 2007
au hasard des rencontres # 10
voici comment j'ai raconté l'histoire de cet autographe ailleurs...
lors de son dernier passage à paris, la dame donnait une série de récitals au franc pinot, une garguotte jazzesque de l'île st louis... sincèrement, le matin même quand la voix dans le poste annonça l'évènement, je pensais qu'elle se trompait, que la dame s'était éteinte dans les années 70... ni une, ni deux... j'étais donc sur place le soir même... malgré mes jambes, malgré tout...
anita était très âgée et enrhumée jusqu'aux oreilles... elle était encore belle malgré les outrages du temps...
sur un cruel écran, un vidéo-projecteur diffusait des images de sa folle jeunesse... "she's not on drugs anymore" crut bon de me dire sa follasse de producteur sur un ton égrillard avec un éclat désagréable dans l'oeil... elle était assise à mes côtés sur un tabouret de bar et regardait ces films d'un autre âge comme si elle les découvrait...
elle me demanda une serviette en papier que je m'empressai de lui procurer pour qu'elle y tamponne ses lèvres fraîchement ripolinées... elle me tendit les bras pour que je l'aide à descendre du tabouret... je la pris donc à bras le corps pour soulever la frêle silhouette et la déposer délicatement sur le sol trop bas... elle me remercia et me pria de récupérer le tabouret auquel mon billet ne me donnait pas le droit... son geste me bouleversa, sur son visage, les traits de ma grand mère récemment disparue s'imprimèrent et les larmes affluèrent...
c'est donc ainsi que je pris anita o'day dans mes bras...
inutile de dire que la serviette en papier avec les traces des lèvres de la dame est soigneusement protégée par un petit cadre ikéa avec le billet d'entrée...
le concert ? inexistant, hélas. mais quelle importance ? elle n'avait plus rien à prouver... peut être juste des fonds à réunir pour une énième opération... sous son smoking masculin cravatée de noir, elle dissimulait un corps à la dérive... sa tête ne devait pas être bien loin...
à une jeune et jolie chanteuse lui demandant un autographe à la fin du concert, elle rédigea un touchant "anita o'anita" d'une main gauche hésitante... j'ai eu plus de chance sur ma superbe pochette de "incomparrable !" (où elle affronte crânement la caméra) dont elle ne se souvenait plus et dont elle lut avec intérêt la playlist...
je rentrai donc sur la rive droite avec la charmante chanteuse à qui j'offris mon adresse dont elle ne fit jamais usage... elle dût, comme tant d'autres, se méprendre sur mes intentions... évidemment, elle ne pouvait pas savoir...
believe it or not, mais ce graffiti, ce tag, c'est l'autographe de lou reed...
dans la nébuleuse velvetienne, moe tucker... parfois je me dis que sa sonorité brute et sans fioriture était à l'origine du son du velvet... son essence même...
pépitoscope : 18 et 19 septembre 2007
non, pas le fameux "Aragon" mais les deux ultimes parties du fabuleux "Homme qui danse"... 26 ans après la rencontre au théâtre Edouard VII... La fin... plus jamais... c'est peu de dire que j'ai été ému... j'ai fait tout ce que j'ai pu pour refouler les gros sanglots... en vain... les larmes, cette fois, n'étaient pas de rire... une cérémonie des adieux sans appel... la mère est morte, Ferdinand s'en va donc en toute liberté... Philippe, lui, peut se retirer enfin apaisé...
refusant ce deuil improbable et totalement impossible, j'ai repoussé l'inéluctable et repris deux places pour les 26 et 27 octobre... c'est à dire les deux dernières représentation de "la ficelle" et "la mort d'Avignon", les deux épisodes de "l'épilogue".
dimanche 23 septembre 2007
le meilleur antidépresseur du monde # 2
oui, je sais, j'abuse... mais j'avais besoin de communiquer ce week-end... et puis, franchement, qui se plaindrait d'un clip de Fred Astaire ?
la séquence du spectateur (petite cinémathèque idéale # 11)
97年王家卫 张国荣 梁朝伟 张震合作的《春光乍泄》绝对是王家卫技术上最为出色的一部作品,所有玩了技术的地方都是那么的恰到好处,那些招牌的摇镜头、慢镜第一次跟电影本身贴的那么 紧,完全是跟着人物的情绪去展示王家卫自己的电影语言。每一个镜头都似有所指,每一个镜头都似乎在说着一些不足为外人道的心事;那些光影里的温暖和黯然可 以一路穿过面前的映画,直入你的心里,内容上仍是让人不敢轻易触碰的拒绝与被拒绝,仍是边缘生活的落寞滋味,仍是那些易碎的敏感和细密疼痛的挣扎。影片中 所流露出的,还是那种无根的寂寞,那种渴望、期待与害怕面对的挣扎。
bon, bref, je trouve Wong Kar-Wai surestimé... Ses derniers films surtout... En revanche, "Chungking Express" et surtout "Happy together" ont été d'immenses claques esthétiques... Surtout "Happy...", pas pour des raisons trop évidentes mais bien pour un traitement presque impossible d'un sujet invraisemblable : un couple de gays chinois exilés en Argentine. Les images sont ancrées en moi pour longtemps.... Encrées, pourrais-je dire... un très grand film moderne...
dans la lignée d'une des deux tendances du cinéma qui me touchent le plus : le grand mélo flamboyant hollywoodien {auquel j'associe curieusement l'âge d'or de la comédie musicale et, bien entendu, tous les grands films débordant de rouges et de bleus de mon cher Almodovar} et la nouvelle vague made in france (avec tout ce que ça implique comme ramifications).
popin jukebox # 9
popin ? quel rapport me direz-vous ? en fait, curieusement, pas grand monde sait, en France du moins, les raisons qui ont poussé Billy Joe a se suicider en se jetant du haut du Tallahatchie Bridge. Pas étonnant. Pour ça, il faudrait avoir vu ou entendu parler du film tiré de la chanson où un jeune homme de 17 ans éprouve ses premiers émois homosexuels et préfère se suicider que d'affronter la réalité et le monde rural du sud du Mississippi dans les années 50. En fait, c'est pas si simple. Bobbie Gentry aurait affirmé qu'elle n'avait aucune idée pourquoi Billy se serait donné la mort... En revanche, le roman de Herman Raucher et le film sont très explicites sur le sujet.
vala...
voilà l'automne.
enfin ! bientôt les pulls, les écharpes, les manteaux... les forêts vont s'embraser... le monde va redevenir humain et hirsute... le temps des bonnes soupes bien chaudes et des soirées entre amis... nous allons enfin nous autoriser la nostalgie de la tendresse du bleu...
samedi 22 septembre 2007
culture gay # 1 (bis) [cadeau]
l'intégrale de la clef de voûte de toute une iconographie... absolument indispensable pour apprécier l'évolution...
du côté de chez Fred # 2
« Ich bin el Miboun von Yasmine. » *
J’ai toujours rêvé d’être une diva arabe. Le genre Oum Kalsoum ou Fayrouz planant sur des foules de mecs en délire. C’est un fantasme très complet : je m’identifie à l’icône adulée entourée de son orchestre de vieux messieurs en pingouins, au gros moustachu à l’air de flic qui pleure comme s’il retrouvait enfin sa mère qui ondule avec ses potes en criant des mots d’amour à celle qui n’écoute que sa musique et ne regarde qu’elle-même, évadée et triomphante. Au fond, je suis tout le concert, englouti dans cette vague de désir fou qui le submerge, entre la diva qui l’appelle avec la fausse indifférence souveraine de celle qui connaît sa puissance et le public qui jouit intensément de l’instant présent comme un seul homme oubliant qu’il n’est qu’un ramassis de pauvres types passant le reste de leur vie dans l’humiliation, la peur et l’amertume. Il y a quelque chose de primaire et de brutal dans les grands concerts arabes, un carambolage de joie enfantine qui console de la perpétuelle inquiétude et d’avidité sensuelle qui fuse de partout quand le sexe est général constamment codifié, divisé, réprimé. C’est peut-être pour cela qu’ils durent si longtemps à force de longer la frontière qui les sépare des jours maussades où traîne une sensation de désespoir obscur. Les plus beaux opéras, les meilleurs récitals peuvent procurer un immense plaisir, mais pas cette impression de compensation âpre dans une atmosphère d’orgasme collectif où tout ce qu’il y a de vulgaire en moi trouve enfin son compte et sa revanche. En plus, je ne comprends presque pas cette langue rauque même si je parviens à détacher les mots de la mélopée, à isoler les « Habibis – mon amour » qui scandent une chanson après l’autre. C’est l’essentiel, je n’ai pas besoin d’en savoir plus, tout le reste est mystérieux comme la violence et c’est très bien comme ça. Enfin il existe des traductions, ce sont des poèmes dont les paroles sont souvent simples et belles et c’est d’ailleurs pour cela que l’on se les récite si facilement du Maroc à l’Irak, mais en même temps j’ai du mal à les retenir, je les trouve finalement plus fades que le secret.
Amina Farkhet (photo), la bombe tunisienne, n’a pas bonne réputation dans les dîners chics de Sidi Bou Saïd et d’Hammamet. On la trouve commune et ordinaire, une effrontée sortie du Bled, mangeuse d’hommes qui baigne sa voix dans la fumée et l’alcool et pille sans vergogne le répertoire sacro-saint de la Grande Dame de l’Orient, de la Madone de Beyrouth et de Warda l’Algérienne au cœur tendre. En écoutant ce que l’on disait sur elle, j’avais tout de suite compris qu’elle était pour moi et je n’ai pas été déçu. Au théâtre en plein air ouvrant sur la mer, dégorgeant de monde jusque sur la plage, avec les resquilleurs venus à la nage, les gosses accrochés dans les arbres, les filles voilées dansant et chantant comme les rescapées du lent naufrage auquel les condamne la loi des mâles et les frères aux torses nus qui faisaient virevolter leur chemise trempée au-dessus de leur tête comme des drapeaux, ce fut une nuit de feu comme je n’en ai jamais connu d’autres. J’étais l’unique Français dans toute cette houle arabe, reconnu avec chaleur puis oublié par la tourmente, disparu en quelque sorte et libéré de toute entrave. Egalement seule, quoique cernée par une petite bande de voyous sauvages, une travelote allemande sur le retour, blonde et bonne fille comme Sabah l’autre étoile du Liban, est tout de même parvenue à repérer. Elle s’est glissée près de moi, tout contre la scène, les yeux brillants d’une lueur fauve. Elle connaissait déjà tous les refrains par cœur et s’est présentée, entre deux reprises d’Amina, en chuchotant à mon oreille : « Ich bin el Miboun von Yasmine. » Ce fut la seule note un peu triste de la soirée, je me suis dit que j’avais encore du chemin à faire.
*Germano-arabe : « Je suis la folle d’Hammamet Sud »
Frédéric Mitterrand© Têtu N° 126 – 10/07