méditation sur la mort

Voici la noire mort et toute sa misère
Le but des buts; de l'eau sur de la terre
Des os pourris au cimetière
La chair ne compte plus.
C'est moins utile que de la pierre.
Horreur ! toucher cela quand on est bien portant !
Pourtant ! trois fleurs... trois pleurs !
Paquet, va-t'en ! Il y a bien le monument
Epitaphe, discours éloquents.
Qu'importe si ta dernière heure
Ne vous appartient pas, Seigneur
Alors... le silence ! Quel oubli.

Un locataire a pris ta place
On a vendu l'armoire, l'armoire à glace
Le lit
Ces gens qui passent dans la rue
Parleraient-ils du disparu ?
Pleure aujourd'hui sur ta misère
Songe mieux à ton heure dernière.

Deux troupe d'anges et de démons
Se disputent le moribond
Je me connais : je les verrai :
Tout est calme, sauf mes traits
J'assiste à l'Eternel décret.
Les démons !... ah ! que je m'en tire !
Oh ! faites-moi recommencer ! Seigneur plutôt le martyre.
Trop tard ! Je suis nu devant Dieu.

Mémoire d'un méchant démon, rageur et radieux
De ma vie ce fut le témoin
Quant à l'ange il ne parle point.
Bonnes intentions, mais faible et sot
Il se rendait au moindre assaut.
Allons ! toi qui t'écris ces lignes
Eh bien quoi il n'est pas trop tard
Au lieu de vivre en lézard
Fuis les influences malignes
Coupe, tranche, épluche ton rôle
Demande à Dieu un coup d'épaule
Tu te reposeras sûrement
La veille de ton enterrement.

Max Jacob